22 nov. 2015

L'exposition Claude Cahun à la médiathèque Jacques Dermy



Terminée il y a quelques semaines, l'exposition qui se tenait du 31 août au 31 septembre dans le cadre du voyage à Nantes présentait au public son fond d’œuvres et de documents autour de Claude Cahun.

Un ensemble diversifié de l'étendue du travail de l'artiste.
A travers photographies et photo-montages, poèmes, correspondances, dessins...la médiathèque Jacques Dermy a retracé le chemin de l'artiste à travers des moments clés de son oeuvre. 
Ses débuts en 1910, son départ pour Jersey en 1938 et ses actes de résistance pendant la deuxième guerre mondiale, son travail à quatre mains avec sa compagne "Marcel Moore"...

J'ai eu la chance de m'y rendre une semaine avant qu'elle ne s'achève. L'occasion pour moi de découvrir cette artiste que je ne connaissais pas encore. Et on peut dire que cette rencontre avec son travail a été réussie, puisque c'est avec un énorme coup de cœur pour ses photos et photo-montages que j'en suis ressortie ! J'ai donc voulu vous les faire découvrir à vous aussi, si vous ne la connaissez pas déjà.

Claude Cahun de son pseudonyme, un des nombreux qu'elle utilisera, mais celui qu'elle gardera jusqu'à la fin de sa vie. Lucy Schwob de naissance. Elle naît à Nantes en 1894, nièce de l'écrivain Marcel Schwob, directeur dans la même ville, du quotidien Le phare de la Loire.
Dès son enfance, elle se lie à Suzanne Malherbe, qui deviendra plus tard sa compagne, sous le pseudonyme de Marcel Moore, duquel elle signe ses œuvres.
En 1918, elle quitte Nantes pour Paris, où elle rejoindra "l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires", et fréquentera le milieu surréaliste, notamment André Breton. Ce mouvement va effectivement influencer son oeuvre, mais ne sera pas le seul. A lui se joindront au cœur de son travail des éléments issus du symbolisme, ou encore du dadaïsme.
Finalement, elle part avec Marcel Moore pour Jersey en 1938, où elles participeront à la résistance avant d'être arrêtées en 1944, et libérée en 1945. 
Claude Cahun terminera sa vie là-bas, en 1954.

Mais concrètement, qu'est-ce qui m'a plu dans l'oeuvre de Claude Cahun ?

La principale caractéristique de son travail d'abord, la multiplicité des rôles endossés.
Femme, bijoux, cheveux qui retombent sur le visage comme sur un de ses premiers portraits, homme au crâne rasé la seconde d'après. Et parfois même, les deux, de façon simultanée. Comme sur cette série où elle pose avec des altères et un tee-shirt scandant "I'm training don't kiss me", exacerbant les détails féminins comme les tétons redessinés à même son tee-shirt, et maquillée à l'exagération, portant pourtant dans le même temps une coiffure qu'on associerait plus volontiers au sexe opposé, comme le sport auquel elle s'adonne.

Claude Cahun, Autoportrait, 1912.............Claude Cahun, Autoportrait, 1920............Claude Cahun, Autoportrait, 1927

Cahun joue avec les masques, se métamorphose, et utilise son propre corps pour lutter contre les clichés socialement construits sur le genre, contre l'idée que la femme doit sagement se contenter d'être jolie, de porter des petites robes et du maquillage, et que l'homme au contraire, doit être fort, viril. En cela, le travail de l'artiste est encore très actuel, s'inscrivant dans des débats qui subsistent encore. Et il préfigure le travail d'artistes comme Orlan, qui travaille aussi avec son image, et les modifications corporelles, allant encore plus loin que Cahun en ayant recours à la chirurgie esthétique.
J'ai trouvé amusant de faire un parallèle avec cette performance de cette artiste, qui vient également jouer sur une exacerbation des traits féminins, tout en s'opposant au "Don't kiss me" de Cahun.

Orlan, Le baiser de l'artiste, distributeur automatique ou presque !, 1977

Hors de tout conformisme, Cahun refuse de s'assimiler à un seul genre, et va donc plutôt aller vers la recherche d'une idée de neutre. C'est quelque chose qu'on retrouvera aussi dans ses textes, comme par exemple dans Aveux non avenus, où elle joue avec les pronoms personnels, ou à travers le simple choix de ce pseudonyme, "Claude", un prénom mixte, empêchant de la ranger dans une case précise puisque comme elle l'écrit dans Confidence au miroir, "Les étiquettes sont méprisables".

     

               .                                                      Cahun, Que me veux-tu ?, 1928 &.Claude Cahun, Autoportrait, 1928   

Ensuite, l'ambiance sombre qui se dégage de bon nombre photos et photo-montages. On se croirait presque dans un cirque de freaks. Les masques rappelant l'univers du spectacle, ces soeurs siamoises qui semblent prêtent à se dévorer dans une ambiance cauchemardesque, illustrant à merveille l'idée de dédoublement de personnalité qui définit l'oeuvre entière de Cahun, de schizophrénie des images. Et enfin ce photomontage, où on penserait presque à Madame Irma, la voyante tenant sa boule de cristal, puisqu'ici à plusieurs reprises, une forme circulaire tenue entre deux mains vient l'évoquer. Notamment celle contenant un œil qui perce au centre de la composition, faisant encore plus écho au don de voyance, l'idée de voir ce que les autres ne voient pas. Dans le même temps, il semble évoquer un personnage, reconstitué de toutes pièces (un oeil, une bouche, des membres...), typique de la fragmentation du corps surréaliste, assemblées sans aucun sens, rappelant les collages dadas, une figure monstrueuse.

Claude Cahun et Marcel Moore, Illustration issue d'Aveux non avenus, 1929-1930

Finalement, j'ai été touchée par l'intimité de son oeuvre. Claude Cahun nous fait entrer avec elle, dans cette perpétuelle recherche de soi-même.

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